Charles

Camoin

1879-1975

Charles Camoin est né à Marseille le 23 septembre 1879, dernier d’une famille de quatre enfants. Son père, Joseph Camoin, dirige l’entreprise de peinture et décoration « Camoin Jeune », fondée en 1851 à Marseille. Après le décès de leur père en 1885, les enfants sont mis sous tutelle et habitent alternativement à Marseille et à Paris. Destiné au commerce, Camoin suit toutefois des cours de dessin à l’Ecole des Beaux-Arts de Marseille dès 1895. Il reçoit l’année suivante un « premier prix de figure » qui le décide à poursuivre dans cette voie.

En janvier 1898, installé à Paris avec sa mère, Camoin s’inscrit à l’Ecole des Beaux-Arts. Admis dans l’atelier de Gustave Moreau, il ne reçoit que brièvement l’enseignement du maître qui meurt en avril de la même année. Toutefois, c’est là qu’il rencontre, Henri Matisse, Albert Marquet et Henri Manguin. Tout comme ses camarades, Camoin décide de quitter les Beaux-Arts et travaille dans des ateliers libres. Les peintures de cette période se caractérisent par un dessin très précis ainsi que par de forts contrastes. Comme Matisse, Camoin a déjà fait évoluer sa palette vers des tonalités claires. Il a en effet dès cette époque connaissance des impressionnistes dont il a pu découvrir les œuvres au musée du Luxembourg, à la suite du legs Caillebotte ou dans les galeries parisiennes, chez Durand-Ruel, ou chez Vollard. De cette époque datent les premiers paysages, notamment des vues de Paris ou du Midi.
Au mois de novembre 1900, Camoin doit partir pour son service militaire qui dure alors trois ans. Alors que son régiment est à Aix-en-Provence en octobre 1901, le jeune soldat ose se rendre un soir chez Paul Cézanne. Le vieux maître, adulé par la jeune génération d’artistes, est alors connu pour son caractère difficile. Mais Cézanne se prend de sympathie pour celui qu’il appelle « le vaillant Marseillais » Carlo Camoin. Cézanne l’invite régulièrement aux repas dominicaux en compagnie du poète Leo Larguier et de Louis Aurenche. Par la suite, les deux artistes restent en contact et échangent une correspondance régulière dont quelques extraits seront publiés en 1905 dans la revue le Mercure de France.

Rentré de sa période militaire en septembre 1903, Camoin s’installe à Paris. Il emménage dans un atelier place Dauphine. Dès cette époque, il expose au Salon des Indépendants, ainsi qu’au Salon d’Automne et commence à être remarqué par la critique. Il se joint au groupe d’artistes alors réunis autour de Matisse : Manguin, Marquet et Jean Puy. Ils exposent ensemble, notamment dans la petite galerie de Berthe Weill, rue Victor Massé, à Paris.
Quand il n’est pas dans la capitale, Camoin sillonne son midi natal, voyage en Italie (en 1904, il se rend à Rome, Naples et Capri). Ses paysages se caractérisent alors par une touche plus enlevée, plus large et expressive qu’auparavant.

En 1905, Camoin participe avec Matisse, Manguin, Marquet, Derain et Vlaminck à la salle VII du Salon d’Automne de 1905 qui lance le fauvisme, auquel il sera dorénavant rattaché. Contrairement aux impressionnistes, Camoin ne s’intéresse pas à l’effet atmosphérique ou aux raffinements de la perception rétinienne mais plutôt à l’agencement des formes et des plans dans l’espace perspectif, mettant en application la leçon de Cézanne qui lui conseille de « faire du Poussin sur nature ».

Ses paysages méditerranéens où il vient de passer la saison d’été avec Manguin et Marquet, dégagent une luminosité alors propre au groupe des Fauves.
Toutefois Camoin ne met jamais en péril la cohésion de l’image peinte et ne transpose que rarement ses couleurs, contrairement à Matisse ou Derain au même moment.
C’est dans ses figures qu’il est le plus proche de l’esthétique fauve, notamment dans l’évocation parfois provocante du monde des marges.

Les ateliers parisiens se succèdent : en janvier 1907, il est au 28 bd de Clichy, au 6, rue Mansart en octobre 1907, puis au 12 rue Cortot en 1908, et au 46 rue Lepic en 1910.
En 1908, Camoin a sa première exposition particulière, à la galerie du jeune marchand d’origine allemande, Daniel Henri Kahnweiler. C’est à ce moment-là qu’il entre en contrat avec le marchand allemand de Francfort, Ludwig Schames. Ses peintures circulent dans les expositions d’avant-garde européennes, au Salon de la Toison d’or à Moscou, à la Société Mànes à Prague, au Salon de la Libre Esthétique à Bruxelles, au Sonderbund de Düsseldorf ou encore à la célèbre Armory Show à New York en 1913. En 1912, il signe un contrat avec la Galerie Eugène Druet.

À partir de 1908, Camoin réintroduit le noir dans sa palette. Moins attentive aux détails et à la structure, l’écriture colorée accorde une importance croissante à la gestualité de la touche. Certaines vues de Paris, de Montmartre notamment, où Camoin s’est installé, portent ce même timbre mélancolique que celles contemporaines de Marquet dont il est resté très proche, comme de Matisse d’ailleurs.
De cette période date sa liaison avec la femme peintre Emilie Charmy avec laquelle il séjourne en Corse. Camoin demeure alors fidèle à la veine coloriste inaugurée par le fauvisme et reste réfractaire au cubisme.
Camoin rejoint Matisse à Tanger où il passe la saison de l’hiver 1912-1913.

À son retour de Tanger, Camoin détruit une grande partie des toiles se trouvant dans son atelier. Il les coupe en plusieurs morceaux avant de les jeter dans sa poubelle, sur le trottoir de la rue Lepic. Les débris sont heureusement sauvés, rassemblés et proposés au Marché aux Puces où ils sont rachetés par le Père Soulier, célèbre marchand de la rue des Martyrs, qui les rassemble. Il semble que l’histoire fit rapidement le tour de Paris puisqu’elle est relatée dans la presse, notamment par Apollinaire qui estime ces peintures « parmi les plus intéressantes de ce peintre » (Paris-Journal, 25 juillet 1914). Une fois restaurées plus ou moins habilement, certaines d’entre elles sont acquises dès cette époque par des collectionneurs avertis, notamment des critiques d’art comme André Warnod, Félix Fénéon, Francis Carco ou Gustave Coquiot. Le Moulin rouge aux fiacres, aujourd’hui au Musée de Menton, en est un exemple. La toile fut léguée au Musée mais auparavant, elle fut signée par l’artiste qui en reconnaissait ainsi la paternité, même après l’avoir détruite des années auparavant.
Comme pour la plupart des artistes de sa génération qui sont enrôlés, la guerre de 1914-18 marque une rupture dans la carrière de Camoin. Mobilisé, il est d’abord envoyé comme brancardier au front de Vosges puis en 1916 dans les toutes nouvelles sections du camouflage où il peint des toiles au kilomètre. Il partage une abondante correspondance avec Matisse qui lui envoie régulièrement des colis et lui fait part de ses réflexions esthétiques. Au camouflage, il rencontre l’écrivain et marchand Charles Vildrac ainsi que Dunoyer de Segonzac et le poète Léon-Paul Fargue avec lesquels il se lie d’amitié. A son retour à la vie civile en 1919, il se réinstalle dans son atelier du 46 rue Lepic à Montmartre.

Camoin se marie en mars 1920 avec Charlotte Prost. Ils auront une fille, Anne-Marie, née en 1933. Les peintures d’après-guerre, de nombreuses vues du Midi, Cannes, Antibes, Aix-en-Provence, renouent avec la délicatesse de la période tangéroise. Cette qualité de lumière ainsi que l’atmosphère intimiste qui s’en dégage est très proche des peintures contemporaines de Matisse, son voisin, installé à Nice depuis 1917. C’est d’ailleurs ensemble qu’ils rendent visite au vieux Renoir à Cagnes, en novembre 1918.

L’admiration de Camoin pour la peinture de Renoir, partagée par nombre d’artistes de sa génération, ne cessera de se faire désormais sentir dans son œuvre. Son empreinte sera en effet particulièrement sensible dans nombre de portraits et natures mortes dans lesquels Camoin cherche à atteindre la joliesse et la qualité de touche si caractéristique de Renoir. Après-guerre, Camoin affirme de plus en plus son goût pour une peinture sensuelle, voluptueuse et spontanée, dénuée de toute prétention intellectuelle.

S’inaugure pour le peintre une vie nouvelle qu’il partage entre son atelier montmartrois et de longs séjours dans le Midi, notamment à Saint-Tropez où il s’installe en 1921. Il expose et vend régulièrement sa production aux galeries Vildrac, Druet, Marcel Bernheim, Bernheim-Jeune, ou Charpentier sans toutefois signer de contrat d’exclusivité avec aucune d’entre elles. Il continue également à exposer presque chaque année aux Salons d’Automne et des Indépendants, ainsi qu’au Salon des Tuileries.

Pendant la guerre de 1940, à Saint-Tropez, Camoin peint de nombreuses vues du golfe et de ses environs. Il fixe son travail autour de motifs choisis qui deviennent récurrents, comme le golfe de Saint-Tropez, Ramatuelle ou encore la place des Lices. En 1946, il loue un atelier donnant sur le port tropézien, qui deviendra son motif de prédilection. En 1955, il est promu officier de la Légion d’honneur et reçoit le grand prix de la Biennale de Menton. Il s’éteint dans son atelier de Montmartre le 20 mai 1965.

Le musée des Beaux-Arts de Marseille lui consacre une rétrospective en 1966 (41 peintures). En 1971, a lieu une deuxième rétrospective au Palais de la Méditerranée de Nice (72 peintures) suivie de la publication d’une monographie par Danièle Giraudy. En 1998, est organisée une exposition rétrospective itinérante au musée Cantini à Marseille et à la Fondation de l’Hermitage à Lausanne (90 peintures, 90 dessins). Ses œuvres sont présentes dans de nombreux musées en France et à l’étranger.