Alfred Roll est né en plein Faubourg Saint-Antoine où son père est à la tête d’une très prospère entreprise d’ameublement. Son enfance au milieu d’ouvriers d’art le pousse rapidement vers un parcours artistique. Il étudie à l’École des beaux-arts de Paris où il suit l’enseignement d’Henri Joseph Harpignies, de Léon Bonnat et de Charles-François Daubigny. Il peint son premier paysage en 1869, puis expose à Salon-de-Provence en 1870. C’est en 1875 que le public commence à s’intéresser à lui grâce à son style plutôt romantique avec des influences de l’école bolonaise et de Gustave Courbet. Il expose en 1877 au Salon de Paris sa fameuse toile La fête de Silène pour laquelle il reçoit une médaille d’or. Son style devient plus naturaliste, tandis qu’il entame une carrière de portraitiste.
En 1880, sa toile La Grève des mineurs rencontre un vif succès et il devient l’un des peintres officiels de la Troisième République. Il reçoit de nombreuses commandes de l’État, peint des fresques, des plafonds et des œuvres monumentales notamment pour le Petit Palais à Paris.
De par son modèle, notre œuvre est à rapprocher du tableau « Femme nue au milieu de branchages, jeunesse, huile sur toile, 93×74 cm » conservé au Musée des Beaux-Arts de Bordeaux (ancienne Collection Madame Guérin-Roll).
Dans chacune des deux œuvres, la figure féminine est probablement Jane Hading, modèle récurrent d’Alfred Roll (et probablement sa maîtresse). De son vrai nom Jeanne-Alfrédine Tréfouret, cette actrice et chanteuse joue dès l’enfance aux côtés de son père comédien qui se produit à Marseille, au Caire et à Alger. Arrivée à Paris, elle abandonne ses modestes rôles d’ingénue pour tenter sa chance dans l’opérette, puis au théâtre de boulevard. Son mariage avec le directeur du théâtre du Gymnase, bientôt suivi d’un médiatique divorce en 1888, en font une célébrité parisienne.
Le théâtre de boulevard, où Jane Hading conquiert une place reconnue, nécessite des acteurs charismatiques exerçant sur le public une véritable fascination. Edmond de Goncourt vante dans son Journal la beauté de cette femme « vraiment très séduisante. Avec sa luxuriance de cheveux roux potassés, semblables aux cheveux mordorés des courtisanes du XVIe siècle, avec sa blancheur de peau toute particulière […] elle me rappelle beaucoup ces bustes gallo-romains du musée d’Arles où, dans le pur type grec, s’est glissée la modernité un peu canaille du physique marseillais » (18 décembre 1885).
Roll a su camper ses modèles avec une solide simplicité, proche des toiles de Manet des années 1880. Sincère, il se montra surtout habile dans ses fraîches scènes campagnardes (Manda Lametrie fermière, 1887, Orsay) ou ses études sociales, d’un réalisme certain. Ses toiles, à la facture large, par leurs tons clairs et leurs effets fugitifs de lumière, se souviennent de l’Impressionnisme.
Sa forte constitution et son tempérament fougueux ne sont pas sans conséquences sur sa peinture faite de grands coups de pinceaux portés par un geste très enlevé. Elle laisse bien apparaître les empattements généreux. Il y a dans ses toiles, une certaine matité que certains peuvent prendre pour de la sécheresse. Elles refusent les effets de coloris brillant, le chatoiement des tons. Les couleurs semblent estompées, peu appuyées. Cette impression est accentuée par l’absence de vernis proprement dit. Roll a toujours, en effet, refusé de vernir ses toiles.
Dans notre œuvre, Roll adopte les techniques Impressionnistes, le paysage en arrière-plan est traité avec des couleurs plus froides qui met en valeur la clarté de la peau du modèle. Cette oeuvre démontre le talent de portraitiste de Roll qui ne fait que suggérer le visage de l’actrice qu’est Jane Hading. Il ne faut pas oublier que l’artiste est aussi un grand peintre mondain, un journaliste observant en 1892 : « Il y a peu de célébrités aujourd’hui qui n’ont pas été peintes par Monsieur Roll ».
En 1931, une rétrospective regroupant 115 œuvres est présentée au Petit-Palais, sous les plafonds décorés par lui-même vingt ans plus tôt.
L’œuvre de Roll est présente dans de nombreuses collections publiques françaises aussi bien à Paris que dans les grands musées de Province, notamment à Bordeaux.
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