Roger Bissière : Une Ode À La Terre
Roger Bissière est né en 1886 dans le Lot et Garonne, région à laquelle il restera attaché tout au long de sa vie. En 1904, il part à Alger où il travaille auprès du peintre Rochegrosse. De retour en France, il étudie successivement aux Beaux-Arts de Bordeaux puis à ceux de Paris.
En 1911, il monte à Paris et découvre le cubisme et se lie d’amitié avec Georges Braque mais aussi avec André Lhote et Jean Dupas qui l’invite jusque dans les années 20 à la Villa Médicis à Rome.
Sa peinture, à cette époque, est post cubiste et figurative, influencée par le néo-classicisme de Picasso. Ce sont souvent des représentations féminines d’inspiration cubiste, il expose en 1921 ses peintures à la galerie Paul Rosenberg.
ROGER BISSIERE (1886-1964)
Composition 17, 1950
Peinture à l’œuf sur panneau
Signé et daté 50 en bas à droite
31 x 25 cm
Catalogue raisonné, tome II, numéro 1678
Provenance
Collection privée, Suisse
Collection privée, Paris
De 1923 à 1939, il est peintre et professeur à l’Académie Ranson ou il crée en 34, un atelier des fresques. Parmi ses élèves, il exerce une forte influence sur Mannessier et Viera da Silva qui participeront plus tard avec lui à ce groupe informel qu’est la Nouvelle Ecole de Paris.
En 1937, la série des Crucifixions est un tournant dans sa façon de peindre et annonce la suite. Ses œuvres sont dessinées, peintes et réalisées sous forme d’assemblage, traitement stylisé des personnages et des contours des corps.
À l’approche de la guerre en 1939, il cesse de peindre et s’installe définitivement avec sa famille dans le lot dans sa maison de Boissièrette.
En 1947, pour son retour à la peinture il expose à la galerie René Drouin, à Paris des toiles et des tapisseries de tissus divers assemblés par sa femme Mousse. Sa peinture déconcerte le public.
Les figures se sont dissoutes dans la peinture, fruit d’un long travail de réflexion sur ses retrouvailles avec la terre familiale, ses racines.
Sa peinture a radicalement changé, une certaine forme d’archaïsme est présente sur ses tableaux. Chez Bissière, ce n’est pas de l’abstraction mais de la non figuration.
« J’essaye de recréer un monde à moi, fait de mes souvenirs, de mes émotions, ou demeurent l’odeur des forets qui m’entourent, la couleur du ciel, la lumière du soleil et aussi l’amour que j’ai de tout ce qui vit, des plantes, des bêtes et même des hommes et de leur condition misérable » dira Bissière.
Notre tableau date de 1950, il est exécuté sur un panneau de bois assez grossier, peut être ramassé sur ses terres, la nature est partout. On remarque au dos des traces laissées par des insectes.
C’est l’époque où il expérimente de nouvelles techniques, la cire ou la peinture à l’œuf, technique du Moyen-Age, comme médium ce qui est le cas sur notre tableau, tempéra, donc peinture à l’oeuf mate, sans huile. Suite aux années obscures de la guerre, les couleurs plus vives font leur apparition, ici on notera sur un fond gris un cadre noir ou prédominent le rouge et le vert séparés par des lignes et pictogrammes blancs. Dans la partie basse, on devine une feuille nervurée ou un petit arbre, signe d’une volonté de renaissance. Après la guerre, la vie reprend sa place.
On retrouve dans cette « composition 17 » le coté primitif et enfantin qui n’exclue pas des sentiments plus profonds, plus intimes enfouis dans l’imaginaire de chacun. Toute une écriture s’ouvre à nos yeux avec des pictogrammes, des lignes, le mouvement de notre tableau.
Sa rencontre avec Jean-François Jaeger et la Galerie Jeanne Bucher en 1951 sera très importante pour lui, sa peinture va s’éclaircir, il fera de grands formats.
Cette composition C17 de 1950, présente les principaux fondements de la peinture pleine de poésie et de beauté intérieure de Roger Bissière.