Georges Rouault, Peintre – Exégète

Georges Rouault est né à Paris en 1871 sous les bombardements de la Commune, il passe son enfance  dans les vieux quartiers populaires de Belleville. Il tient sa passion de l’Art de son grand-père maternel qui lui fait découvrir tôt à 14 ans, les œuvres de Courbet, Manet, Forain et Daumier. Il développe peu à peu une passion pour la peinture qui le conduira à s’y consacrer totalement. De 1886 à 1890 il devient apprenti chez le peintre de vitraux Emile Hirsch ce qui aura une incidence sur la composition graphique de ses œuvres. Le soir, il suit les cours à l’école des Arts décoratifs.

En 1891, il rentre à l’école des Beaux-Arts de Paris dans l’atelier de Jules-Elie Delaunay et à sa mort dans celui du peintre Gustave Moreau, qui sera pour lui une source d’inspiration. Il y côtoie entre autres Matisse, Marquet et Manguin. De cette relation privilégiée, il dira de Rouault : « Vous aimez un art grave, et sobre et, dans son essence, religieux, et tout ce que vous faites sera marqué de ce sceau ».

Contemporain des grands mouvements du début du XXème siècle (Cubisme, Fauvisme, Expressionnisme). Il est souvent catalogué de peintre religieux, Rouault reste avant tout indépendant et n’appartient à aucun mouvement. Son œuvre est vaste, Il a peint des clowns tristes, des danseuses, des prostituées, des ivrognes, des paysages et des œuvres religieuses d’une grande spiritualité. 

Georges Rouault (1871-1958) " Aimez-vous les uns les autres ", Miserere Peint après 1930

Georges Rouault (1871-1958) 
 » Aimez-vous les uns les autres « , Miserere
Peint après 1930
 Huile et gouache sur papier marouflé sur toile 
59,5 x 42,5cm 
Portant le tampon d’Isabelle Rouault et étiquette de la Galerie Tamenaga au dos de l’oeuvre

Provenance 
Galerie Taménaga, Paris

Bibliographie
Catalogue raisonnée  » Rouault, l’oeuvre peint « , Bernard Dorival et Isabelle Rouault, Monte Carlo, 1988, volume II, page 105, n°1653, ill.

Le tableau que nous vous proposons est une très belle huile sur papier « Aimez- vous les uns les autres », . Selon sa fille Isabelle Rouault, Miserere XXXI a été réalisé après 1930. Cette œuvre monumentale a commencé à partir de la guerre de 14-18 et sera éditée en 1948. Elle est exposée dans les collections permanentes du centre Pompidou à Paris.

Elle déborde le cadre de ces évènements et devient par son universalité une vaste fresque de la condition humaine. La misère, la peine, la souffrance, la mort sont les éternels compagnons de l’homme mais le regard du croyant leur donne la force et la lumière de l’espérance. 

Les 58 œuvres du Miserere exposées au Centre Pompidou dans la collection permanente.

La plus part de ces 58 œuvres furent au départ exécutées sous forme de dessin à l’encre puis gravées, transformées par la suite pour certaines en huile sur papier selon le désir du marchand Ambroise Vollard comme c’est le cas pour notre oeuvre. Ce galeriste intuitif et visionnaire qui a défendu Cézanne, Renoir, Picasso, Degas. Il croit en Rouault au point de lui acheter tout son atelier.
 
Cette représentation du Christ en croix avec sa mère Marie agenouillée en prière à gauche, Jean sur la droite avec Marie Madeleine est caractéristique de l’iconographie chrétienne. Ici, Rouault traite cette représentation du Christ en croix comme un vitrail, les contours cerclés de noir, la profondeur rendue par le jeu des couleurs. Il tire de cette lumière des effets magistraux  qui rappellent à la fois les harmonies colorées de Cézanne et l’éclat des verriers gothiques.

Il exploite ici avec brio l’intensité plus ou moins forte des couleurs de la peinture à l’huile et les transparences et leur puissance émotive. La palette est d’une austérité corrosive. Annonçant la mort de Jésus, le bleu des robes des saintes femmes s’obscurcit dans le haut du ciel.  Le rouge carmin de la croix fait écho à la tunique de Jean et au sang du Christ. La Carnation de la chair du corps meurtri dans les tons de rose plus ou moins livides, le papier laissé à son état brut ocre clair, les blancs, les noirs. Composition qui nous incite au recueillement mais aussi à l’espérance d’une vie meilleure.

La simplification des formes du dessin jusqu’a l’épure donnent encore plus de force à cette huile. Il excelle ici dans les contrastes entre les tons chauds et les tons froids, ce qui renforce la spiritualité de cette œuvre. 
On note quelques petites libertés par rapport à la gravure de 1923 dans la posture des personnages et les maisons derrière Marie rappelant Jérusalem.

C’est une œuvre forte mais qui est surtout enveloppée d’espérance ce dont nous avons tous besoin. Il meurt en 1958 et fut adulé de son vivant, de nombreuses expositions lui furent consacrées à Paris, Bruxelles, Amsterdam, Tokyo et aux États-Unis. Il est présent dans tous les grands musées du monde.