Armand Guillaumin, un Impressionnisme réaliste !
ARMAND GUILLAUMIN (1841-1927)
Quai d’Austerlitz, 1874
Pastel et crayon sur papier
Signé, situé et daté en bas à gauche et contresigné à droite
49 x 63 cm
Provenance:
Collection particulière, Courbevoie
Collection particulière, Paris
Certificat de Fabiani et Serret, en date du 15 juin 1977
Inclus dans le volume 2 de leur catalogue raisonné
Armand Guillaumin est né en 1841 dans un milieu modeste où il faut travailler dur pour survivre.
Dès 1860, il fréquente l’Académie Suisse à Paris où il rencontre Pissarro avec qui il se lie d’amitié et peint les vues et environ de Pontoise.
C’est un paysagiste né et l’eau, l’animation des cours d’eau exerce une fascination pour lui. Il peint sur le motif et cherche à capter dans ses premières œuvres les effets de lumière et la transparence. Il fait partie avec Manet et d’autres , des peintres qui exposent en 1863 au salon des refusés.
Ses recherches le conduisent à se rapprocher du groupe dit « Impressionniste » en référence au tableau de Claude Monet « Impression, soleil levant » de 1872, exposé dans les salons de Nadar en 1874.
A partir de 1873, Guillaumin peint avec Cézanne les bords de Seine. Ce sont des vues d’Ivry sur Seine, Clamart, Charenton, les quais de Paris, Bercy, de la Rappée, la gare d’Orsay et bien sûr Austerlitz.
Notre tableau réalisé en 1874 est de l’année de la première exposition impressionniste. Il emploie ici la technique difficile du pastel.
Adepte et maître incontesté de la craie, les pastels de Guillaumin sont recherchés et très prisés des collectionneurs, leurs effets poudreux avec en plus un subtil jeu du support (ici papier crème bistre) et la richesse des couleurs en font de véritables petits bijoux.
La Seine de Guillaumin n’est pas celle des baignades mais celle des banlieues, il y dépeint la réalité des ouvriers au début de la Révolution Industrielle ou les conditions de vie et de travail sont difficiles. C’est la vie sans fard.
Ici, sur le quai d’Austerlitz s’est établie la compagnie des sablières, lancée par les frères Piketty en 1869. Le sable extrait des alluvions de la Seine est transporté par péniches sur les quais ou il est déchargé par l’intermédiaire de grues, formant des tas de sable qui seront vendus pour la construction des bâtiments et routes de Paris.
Il s’agit de cette scène qui est reproduite ici par Guillaumin.
Le traitement de la Seine avec ses traits de bleu et rehauts de blanc nous montre que ce n’est pas un fleuve tranquille, que l’on retrouve en opposition avec le coin de ciel très bleu en haut à droite et les nuages bleutés un peu partout dans la composition. La touche est très impressionniste mais les couleurs très expressionnistes (bleu plus ou moins intense, les marrons, le noir, les blancs et les roses) que l’on retrouve dans d’autres compositions.
Le choix du papier couleur sable n’est pas anodin, de même que les coups de crayon dans le fond dessinant le pont, la ville, les fumées dues au charbon et aux industries.
L’industrialisation par les machines ici la grue, les ouvriers, les péniches, les pontons nous montrent déjà à cette époque que la modernité à un coup.
L’opposition des couleurs sourdes au premier plan puis plus claires dans le fond avec les ocres, bleu pastel et rose qui se reflètent sur les bateaux.
Il y a ici une certaine brutalité voulue par le peintre, un monde dur fait de labeur en contraste avec la quiétude des pêcheurs sur cette barque ou le temps semble être figé.
Le traitement des personnages est plus abouti, l’un en blanc avec un canotier et l’autre tout en noir. deux mondes se côtoient.
En quelques coups de craies le réalisme de la vie de cette époque défile sous nos yeux. Cette composition de 1874 est et reste très moderne !
Guillaumin est un grand peintre méconnu.